Charte internationale du tourisme culturel

 

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Charte internationale du tourisme culturel
(La Gestion du Tourisme aux Sites de Patrimoine Significatif, 1999)
 


Adoptée par ICOMOS à la 12e Assemblée Générale au Mexique, Octobre 1999 


Introduction

Principes généraux de la charte

Au sens le plus large, le patrimoine naturel et culturel appartient à tous les hommes. Nous avons chacun un droit et une responsabilité de compréhension, d'appréciation et de conservation de ces valeurs universelles.

Le patrimoine est un concept vaste qui réunit aussi bien l'environnement naturel que culturel. Il englobe les notions de paysage, d'ensembles historiques, de sites naturels et bâtis aussi bien que les notions de biodiversité, de collections, de pratiques culturelles traditionnelles ou présentes, de connaissance et d'expérimentation. Il rappelle et exprime le long cheminement du développement historique qui constitue l'essence des diverses identités nationales, régionales, indigène et locales, et fait partie intégrante de la vie moderne. C'est un point de référence dynamique et un instrument positif du développement et des échanges. Le patrimoine particulier et la mémoire collective de chaque lieu et de chaque communauté sont irremplaçables et représentent une base essentielle du développement, à la fois maintenant et pour l'avenir.

En cette période de globalisation croissante, la protection, la conservation, l'interprétation et la présentation du patrimoine et de la diversité culturelle de chaque lieu ou région, sont un enjeu important pour tous et partout. Cependant, la gestion de ce patrimoine, dans le cadre de recommandations internationales reconnues et appropriées, relève habituellement de la responsabilité des communautés d'accueil.

Un premier objectif pour la gestion du patrimoine consiste à faire connaître sa signification et les justifications de sa conservation aussi bien aux communautés d'accueil qu'aux visiteurs. Une gestion matérielle raisonnable et une approche intellectuelle et/ou émotionnelle du patrimoine et du développement culturel sont à la fois un droit et un privilège. Cette gestion doit être porteuse de respect pour les valeurs patrimoniales, pour les populations indigènes qui les perpétuent, pour les paysages et les cultures qui les ont produites, pour les intérêts et les droits actuels des communautés d'accueil, et pour les propriétaires d'ensembles historiques.

Les interactions dynamiques entre patrimoine culturel et tourisme

Le tourisme national et international a été et demeure un des principaux véhicules d'échanges culturels, une occasion d'expériences professionnelles non seulement de ce qui a survécu du passé mais aussi de la vie actuelle d'autres groupes humains. Il est de plus en plus largement reconnu comme une force positive qui favorise la conservation du patrimoine naturel et culturel. Le tourisme peut saisir les caractéristiques économiques du patrimoine et les utiliser pour sa conservation en créant des ressources, en développant l'éducation et en infléchissant la politique. Il représente un enjeu économique essentiel pour de nombreux pays et de nombreuses régions, et peut être un facteur important de développement, lorsqu'il est géré avec succès.

Le tourisme est devenu un phénomène complexe en plein développement. Il joue un rôle essentiel dans les domaines économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, écologiques et esthétiques. Parvenir à dépasser pour les valoriser les conflits qui peuvent exister entre les attentes et les aspirations des visiteurs et celles des communautés d'accueil, constitue à la fois un enjeu et une opportunité.

Le patrimoine naturel et culturel, comme la diversité des cultures vivantes sont des attractions touristiques majeures. Un tourisme excessif peut de la même façon qu'un tourisme inexistant ou mal géré nuire à l'intégrité physique et à la signification du patrimoine. La fréquentation touristique peut également conduire à la dégradation des espaces naturels ainsi que des cultures et des modes de vie des communautés d'accueil.

Le tourisme est porteur d'avantages pour les communautés d'accueil et leur procure des moyens importants et des justifications pour prendre en charge et maintenir leur patrimoine et leurs pratiques culturelles. La participation et la coopération entre les communautés d'accueil représentatives, les conservateurs, les opérateurs touristiques, les propriétaires privés, les responsables politiques, les concepteurs et les gestionnaires des programmes de planification, et les gestionnaires de sites sont nécessaires pour mettre en oeuvre une industrie touristique durable et favoriser la protection des ressources patrimoniales pour les générations futures.

ICOMOS, Conseil International des Monuments et des Sites, en tant qu'auteur de cette Charte, ainsi que les autres organisations internationales et les industries du tourisme, sont prêts à relever ce défi.

Objectifs de la charte

Les objectifs de la charte du tourisme culturel sont :

  • Encourager et faciliter le travail de ceux qui participent à la conservation et à la gestion du patrimoine afin de le rendre plus accessible aux communautés d'accueil et aux visiteurs. 
  • Encourager et faciliter le travail de l'industrie touristique pour promouvoir et gérer le tourisme dans le respect et la mise en valeur du patrimoine et des cultures vivantes des communautés d'accueil.
  • Encourager et faciliter le dialogue entre les responsables du patrimoine et ceux des industries du tourisme afin de mieux faire comprendre l'importance et la fragilité des ensembles patrimoniaux, des collections, des cultures vivantes dans le souci de les sauvegarder à long terme.
  • Encourager ceux qui proposent des programmes et des politiques afin de développer des projets précis et mesurables, et des stratégies qui touchent à la présentation et l'interprétation des ensembles patrimoniaux et des activités culturelles dans le contexte de leur protection et de leur conservation.
En outre,
  • La Charte encourage l'ensemble des initiatives de l'ICOMOS, des autres organisations internationales et des industries touristiques qui visent à améliorer les conditions de gestion et de conservation du patrimoine.
  • La Charte encourage les contributions de tous les responsables agissant dans les domaines du patrimoine et du tourisme et qui permettront d'atteindre ces objectifs.
  • La Charte encourage la réalisation de guides détaillés par les parties intéressées. Ces guides faciliteront l'application concrète des principes établis par la Charte dans le cadre d'interventions particulières et à la demande d'organisations et de communautés d'accueil spécifiques.
Principes de la charte du tourisme culturel

Principe 1

Le tourisme national et international est l'un des principaux véhicules des échanges culturels. La protection du patrimoine doit offrir des opportunités sérieuses et bien gérées aux membres des communautés d'accueil et aux visiteurs pour expérimenter et comprendre le patrimoine et la culture des différentes communautés.

1.1

Le patrimoine culturel est une ressource à la fois matérielle et spirituelle. Il témoignage d'un développement historique. Il a un rôle important dans la vie contemporaine et doit être accessible physiquement, intellectuellement et émotionnellement au grand public. Les programmes de protection et de conservation des éléments physiques, des aspects intangibles et des expressions de la culture contemporaine prises dans leur sens le plus large, doivent faciliter la compréhension et la prise en considération de la signification du patrimoine par les communautés d'accueil et les visiteurs, d'une manière équitable et adaptée aux moyens dont ils disposent.

1.2

Les caractéristiques particulières du patrimoine naturel et culturel ont des niveaux de signification différents, certaines sont investies d'une valeur universelle, d'autres d'une valeur nationale, régionale ou locale. Les programmes d'interprétation doivent présenter ces différents niveaux de signification de manière pertinente et accessible aux communautés d'accueil et aux visiteurs, en utilisant des moyens pédagogiques actuels stimulants, média, technologie, explications personnalisées des aspects historiques, environnementaux et culturels.

1.3

Les programmes d'interprétation doivent faciliter et encourager une prise de conscience profonde par le public, prise de conscience qui constitue une base essentielle pour assurer la préservation dans le temps du patrimoine naturel et culturel.

1.4

Les programmes d'interprétation doivent présenter la signification des ensembles patrimoniaux, des traditions et des pratiques culturelles dans le cadre des expériences passées et de la diversité présente des territoires et des communautés, sans négliger les minorités culturelles et linguistiques. Le visiteur doit aussi être informé des différentes valeurs culturelles qui caractérisent tel ou tel type de patrimoine.

Principe 2

La relation entre le patrimoine et le tourisme est dynamique et doit dépasser les conflits de valeurs. Elle doit être gérée de manière durable au profit des générations actuelles et futures.

2.1

La signification des ensembles patrimoniaux constitue une valeur pour tous les peuples et une base importante de la diversité culturelle et du développement social. La protection et la conservation à long terme des cultures vivantes, des ensembles patrimoniaux et des collections, ainsi que leur intégrité physique et écologique dans leur contexte environnemental, doivent être une composante essentielle des politiques de développement social, économique, législatif, culturel et touristique.

2.2

L'interaction entre les ressources patrimoniales et le tourisme est dynamique et en constante évolution, générant à la fois des opportunités, des défis et des potentialités de conflits. Les projets, activités et développements touristiques doivent parvenir à des résultats positifs et limiter les impacts négatifs qui pourraient nuire au patrimoine et aux modes de vie des communautés d'accueil, tout en répondant au mieux aux besoins et aux aspirations des visiteurs.

2.3

Les programmes de protection, d'interprétation et de développement touristique doivent être basés sur une approche compréhensible des aspects particuliers, souvent complexes et conflictuels, de la signification des différents patrimoines. La poursuite régulière d'activités de recherche est importante car elle permet d'approfondir la compréhension et l'appréciation de la signification de ces différents témoignages patrimoniaux.

2.4

La préservation de l'authenticité des ensembles patrimoniaux et des collections est importante. C'est une condition essentielle de leur signification culturelle qui s'exprime dans les matériaux, la mémoire collective et les traditions qui nous viennent du passé. Les programmes doivent présenter et interpréter l'authenticité des ensembles patrimoniaux de manière à favoriser la compréhension et l'appréciation de ce patrimoine culturel.

2.5

Les projets de développement touristique et d'infrastructures doivent prendre en compte les dimensions esthétiques, sociales et culturelles, les paysages naturels et culturels, les caractéristiques de la biodiversité ainsi que l'environnement visuel le plus large des ensembles patrimoniaux. On doit donner la préférence aux matériaux locaux et prendre en compte les caractéristiques de l'architecture locale et les particularités des constructions vernaculaires.

2.6

La promotion et le développement touristique des ensembles patrimoniaux doivent être précédés par la mise en place de plans de gestion qui prennent en compte la valeur naturelle et culturelle de la ressource patrimoniale. Ils doivent établir les limites acceptables des modifications susceptibles d'être apportées à ces ensembles, en tenant compte en particulier de l'impact de la fréquentation touristique sur les caractéristiques physiques, l'intégrité, l'écologie et la biodiversité des espaces, les accès, les systèmes de transport, et le bien être social, économique et culturel des communautés d'accueil. Si le niveau des modifications proposées est inacceptable, le projet de développement doit être modifié.

2.7

Des programmes d'évaluation doivent permettre d'estimer les impacts progressifs des activités touristiques et du développement dans des espaces spécifiques ou des communautés particulières.

Principe 3

Les opérations de mise en valeur des ensembles patrimoniaux doivent assurer aux visiteurs une expérience enrichissante et agréable.

3.1

Les programmes de protection et de tourisme doivent présenter une information de haute qualité de manière à favoriser la compréhension par le visiteur de la signification des caractéristiques du patrimoine et de la nécessité de le protéger. Ces programmes doivent aussi contribuer, de manière appropriée, à mettre le visiteur en situation de profiter au mieux de sa visite. 3.2

Le visiteur doit pouvoir visiter les ensembles patrimoniaux comme il le souhaite, si c'est son propre choix. Un circuit de circulation spécifique peut être nécessaire pour réduire les impacts de ce type de visite sur l'intégrité, et les caractéristiques physiques, naturelles et culturelles des sites.

3.3

Le respect du caractère sacré des sites, des pratiques et des traditions de nature spirituelle doit être pris en considération de façon prioritaire par les gestionnaires de sites, les visiteurs, les hommes politiques, les planificateurs et les opérateurs touristiques. Les visiteurs doivent être encouragés à se comporter en invités bienvenus, respectueux des valeurs et des styles de vie des communautés d'accueil, en rejetant les vols et le commerce illicite des biens culturels et en se comportant de manière à favoriser le maintien d'un accueil favorable pour les visiteurs à venir.

3.4

La planification des activités touristiques doit offrir aux visiteurs les meilleures conditions de confort, de sécurité et de bien-être de manière à renforcer le plaisir de la visite mais sans que cela ne nuise à la signification et aux caractéristiques écologiques du patrimoine.

Principe 4

Les communautés d'accueil et les populations locales doivent participer aux programmes de mise en valeur touristique des sites patrimoniaux.

4.1

Les droits et les intérêts des communautés d'accueil tant au niveau régional que local, les propriétaires privés et les peuples indigènes qui exercent des droits traditionnels et des responsabilités sur leurs propres territoires et sur les sites chargés pour eux d'une signification particulière, doivent être respectés. Ils doivent participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets de mise en valeur du patrimoine en définissant les enjeux, les stratégies, les politiques et les procédures permettant d'identifier, de conserver, de gérer, de présenter et d'interpréter leurs ressources patrimoniales ainsi que leurs pratiques culturelles traditionnelles et actuelles, et ceci dans un contexte touristique.

4.2

Bien que le patrimoine culturel revête une signification universelle, on doit respecter le souhait des communautés d'accueil ou des populations locales de restreindre ou de gérer directement l'accès physique, spirituel ou intellectuel à certaines pratiques culturelles, connaissances et croyances, mais aussi à certains objets ou à certains sites.

Principe 5

Les activités de tourisme et de protection du patrimoine doivent bénéficier aux communautés d'accueil.

5.1

Les politiques de conservation et de développement touristique doivent promouvoir des mesures qui favorisent une répartition équilibrée des bénéfices du tourisme entre les pays et les régions, accroître les niveaux de développement socio-économique et contribuer à soulager la pauvreté.

5.2 

La gestion du patrimoine et le tourisme doivent produire des bénéfices économiques, sociaux et culturels, équitablement répartis entre les hommes et les femmes des communautés d'accueil, à tous les niveaux, à travers l'éducation, la formation et la création d'opportunités d'emplois à plein temps.

5.3

Une partie significative des revenus provenant de l'exploitation touristique du patrimoine doit être affectée à la protection, la conservation et la présentation des sites patrimoniaux, et ceci dans leur contexte naturel et culturel. Autant que possible, les visiteurs doivent être informés de l'existence de cette procédure financière.

5.4

Les programmes de développement touristique du patrimoine doivent encourager la formation et l'emploi de guides et d'interprètes de sites issus des communautés d'accueil afin de favoriser les savoir-faire des populations locales pour présenter et interpréter leurs valeurs culturelles propres.

5.5

Les programmes d'éducation et d'interprétation du patrimoine culturel mis en oeuvre au sein des communautés d'accueil doivent encourager le développement des qualifications d'interprètes de sites. Ces programmes doivent promouvoir la connaissance et le respect de leur patrimoine par les populations locales et les encourager à s'intéresser directement à leur prise en charge et leur conservation.

5.6

Les programmes de gestion concernant le développement touristique des sites patrimoniaux doivent faire une place importante à l'éducation et à la formation des hommes politiques, des planificateurs, des chercheurs, des designers, des architectes, des interprètes du patrimoine, des conservateurs et des responsables de l'industrie touristique. Les partenaires doivent être encouragés à comprendre les problèmes que peuvent rencontrer leurs collègues et à les aider afin d'y trouver des solutions.

Principe 6

Les programmes de promotion touristique doivent protéger et valoriser les caractéristiques du patrimoine naturel et culturel.

6.1

Les programmes de promotion touristique doivent susciter des attentes réalistes et informer de façon responsable les visiteurs potentiels sur les caractéristiques patrimoniales spécifiques des sites et des communautés d'accueil, et par ces moyens les encourager à se comporter de manière appropriée.

6.2

Les ensembles patrimoniaux et les collections doivent être promus et gérés de manière à protéger leur authenticité et à favoriser les meilleures conditions de visites en limitant les fluctuations incontrôlées des arrivées et en évitant les phénomènes de sur fréquentation dans un même lieu au même moment.

6.3

Les programmes de promotion touristique doivent favoriser une large redistribution des bénéfices et alléger la pression qui pèse sur les sites les plus populaires. Ils doivent encourager les visiteurs à expérimenter de la manière la plus large les différents éléments du patrimoine naturel et culturel d'une région ou d'une localité.

6.4

La promotion, la distribution et la vente de produits d'artisanat local et d'autres produits doivent favoriser une redistribution raisonnable des profits économiques et sociaux qu'ils produisent au bénéfice des communautés d'accueil, tout en s'assurant que leur intégrité culturelle n'est pas dégradée.

Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique

 

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Charte internationale sur la protection 
et la gestion du patrimoine culturel subaquatique

Ratifiée par la 11e Assemblée Générale de l'ICOMOS, à Sofia, Octobre 1996 

Introduction Cette charte vise à encourager la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique qui se trouve dans les eaux intérieures, les eaux côtières, les mers peu profondes et les fonds marins des océans. Elle met l'accent sur les circonstances et les attributs particuliers qui entourent le patrimoine culturel subaquatique et elle devrait être perçue comme un supplément à la Charte sur la protection et la gestion du patrimoine archéologique, 1990. La Charte de 1990 définit le "patrimoine archéologique" comme la partie du patrimoine matériel pour lequel les méthodes archéologiques constituent le premier moyen d'acquérir de l'information, en ce qui a trait aux vestiges associés à la présence humaine, les lieux ayant un rapport avec toute manifestation de l'activité humaine, les constructions abandonnées et les vestiges de toutes sortes, de même que les objets culturels mobiles associés. Aux fins de la charte, on entend par patrimoine culturel subaquatique le patrimoine archéologique qui se trouve dans un environnement subaquatique ou qui en a été retiré. Ceci comprend les structures et les sites submergés, les lieux de naufrage, les épaves et leur contexte archéologique et naturel. Par son caractère même, le patrimoine culturel subaquatique est un bien culturel de dimension internationale. Une large part du patrimoine culturel subaquatique se trouve en territoire international et résulte des communications et des échanges internationaux au cours desquels les bateaux et leur contenu se sont perdus, loin de leur point d'origine ou de leur destination. L'archéologie est concernée par la conservation des biens culturels dans leur environnement. Dans le langage de la gestion des biens culturels, on dit que le patrimoine culturel subaquatique est à la fois fini et non renouvelable. Si le patrimoine culturel subaquatique doit nous aider à apprécier l'environnement dans l'avenir, nous devons prendre nos responsabilités individuelles et collectives maintenant pour en assurer la survie. L'archéologie est une activité publique; chacun a droit de puiser dans le passé pour enrichir sa propre vie, et tout effort pour restreindre la connaissance du passé est une entrave à l'autonomie personnelle. Le patrimoine culturel subaquatique contribue à la formation de l'identité culturelle et peut servir à affermir le sens d'appartenance des membres d'une collectivité. S'il est géré avec soin, le patrimoine culturel subaquatique peut jouer un rôle positif dans la promotion des loisirs et du tourisme. L'archéologie est animée par la recherche. Celle-ci enrichit la connaissance en pénétrant le monde de la diversité de la culture humaine à travers les âges et en présentant de nouvelles perspectives en ce qui concerne la vie passée. Une telle connaissance et de telles perspectives nous aident à comprendre la vie d'aujourd'hui et, de ce fait, nous permettent d'envisager les enjeux à venir. De nombreuses activités subaquatiques sont en elles-mêmes bénéfiques et souhaitables, mais elles peuvent avoir des conséquences malheureuses pour le patrimoine culturel subaquatique si l'on n'en prévoit pas les effets. Le patrimoine culturel subaquatique peut être menacé par des travaux de construction qui altèrent les côtes et les fonds marins ou qui modifient les courants, les sédiments et les parcours des polluants. Le patrimoine culturel subaquatique peut être aussi menacé par l'exploitation sans discernement des ressources naturelles. De plus, des moyens d'accès inappropriés, ou l'impact cumulatif de la collecte de "souvenirs" peuvent avoir un effet néfaste. Beaucoup de ces menaces peuvent être éliminées, ou à tout le moins grandement réduite, si des archéologues sont consultés dès le départ et si des mesures d'atténuation de ces impacts sont mises en place. La présente Charte vise à mettre en place des normes archéologiques élevées pour s'opposer d'une façon rapide et efficace à ce genre de menaces pour le patrimoine culturel subaquatique. Le patrimoine culturel subaquatique est aussi menacé par des activités totalement indésirables puisqu'elles ne profitent qu'à quelques-uns au détriment du plus grand nombre. L'exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique pour la vente ou la spéculation est foncièrement incompatible avec la protection et la gestion du patrimoine. La Charte vise à assurer que toutes les interventions archéologiques aient un but, une méthodologie et des résultats escomptés qui soient clairs, de façon à ce que chaque objet apparaisse transparent aux yeux de tous. Article 1 - Les principes de base La conservation "in situ" du patrimoine culturel subaquatique devrait être considérée comme la première option. L'accès au public devrait être encouragé. Des techniques non destructives, des prospections et des échantillonnages non intrusifs devraient être favorisés de préférence à la fouille. Les interventions archéologiques ne doivent pas avoir plus de conséquences négatives sur le patrimoine culturel subaquatique qu'il n'est nécessaire pour atteindre les objectifs d'atténuation ou de recherche du projet. Les interventions archéologiques ne doivent pas inutilement déplacer les restes humains ou perturber les lieux sacrés. Les interventions archéologiques doivent être documentées de façon adéquate. Article 2 - Le programme Avant de procéder à des interventions archéologiques, un programme doit être élaboré en tenant compte des éléments suivants :

  • les objectifs d'atténuation ou de recherche du projet ; 
  • la méthodologie et les techniques à employer ; 
  • le financement prévu ; 
  • le calendrier du projet ; 
  • les membres de l'équipe de recherche, leurs compétences, leur expérience et leurs responsabilités ; 
  • la conservation des matériaux ; 
  • la gestion et l'entretien du site ; 
  • les procédures de collaboration avec des musées et d'autres institutions ; 
  • la documentation ; 
  • les mesures de santé et de sécurité ; 
  • la préparation du rapport ; 
  • le dépôt des archives de fouille, y compris les éléments du patrimoine culturel subaquatique récupérés durant les interventions ; 
  • la diffusion, y compris la participation du public.

Le programme devrait être révisé et modifié selon les circonstances. Les interventions archéologiques doivent être conduites selon le programme. Le programme devrait être consultable par l'ensemble de la communauté archéologique. Article 3 - Le financementUn financement adéquat doit être assuré avant le début des interventions archéologiques afin que toutes les étapes du programme soient réalisées, y compris la conservation, la préparation du rapport et sa diffusion. Le plan de projet devrait inclure des plans d'intervention qui assureront la conservation du patrimoine culturel subaquatique et de la documentation qui s'y rapporte dans le cas d'une interruption du financement prévu. Le financement du projet ne doit pas se faire par la vente d'éléments du patrimoine culturel subaquatique ou par le recours à toute stratégie qui ferait que le patrimoine culturel subaquatique ou la documentation s'y rapportant seraient dispersés irrémédiablement. Article 4 - Le calendrierOn doit s'assurer avant le début des interventions archéologiques de disposer du temps nécessaire pour compléter toutes les étapes du programme, y compris la conservation, la préparation du rapport et sa diffusion. Le programme doit comprendre les mesures alternatives qui assureront la conservation du patrimoine culturel subaquatique et la documentation qui s'y rapporte au cas où le projet serait écourté. Article 5 - Objectifs, méthodologie et techniques des interventions archéologiquesLes objectifs des interventions archéologiques et le détail de la méthodologie et des techniques à employer doivent être établis dans le programme. La méthodologie devrait concorder avec les objectifs des interventions archéologiques et les techniques employées devraient être les moins perturbatrices que possible. Une analyse des artefacts et de la documentation, faisant suite au travail sur le terrain, fait partie intégrante de toutes les interventions archéologiques: des dispositions à cet effet doivent figurer dans le plan du projet. Article 6 - Compétences, responsabilités et expérienceTous les membres de l'équipe de recherche doivent avoir les compétences et l'expérience requises pour leur participation au projet. Ils doivent être parfaitement au courant du travail qu'on attend d'eux et le comprendre. Toute intervention archéologique impliquant des modifications au patrimoine culturel subaquatique sera entreprise sous la direction et la surveillance d'un archéologue subaquatique désigné dont les compétences sont reconnues et qui possède une expérience adaptée à la nature de cette intervention archéologique. Article 7 - Études préliminairesUne évaluation préliminaire examinant la fragilité, l'importance, le potentiel d'une ressource culturelle subaquatique doit précéder et documenter toutes les interventions archéologiques pouvant modifier cette ressource. L'évaluation d'une ressource doit comprendre une étude de base portant sur les observations historiques et archéologiques disponibles, les caractéristiques archéologiques et environnementales du site et les conséquences d'une intrusion sur la stabilité à long terme du secteur touché par les interventions archéologiques. Article 8 - La documentationToutes les interventions archéologiques doivent être documentées d'une façon aussi complète que possible et selon les normes professionnelles actuelles de la documentation archéologique. La documentation doit fournir un état détaillé des données recueillies sur le site, ce qui comprend : la provenance des éléments du patrimoine culturel subaquatique déplacés ou retirés au cours des interventions archéologiques, les carnets de notes de terrain, les plans et les dessins, les photographies et toute autre forme de documentation. Article 9 - La conservation matérielleLe programme de conservation des objets doit prévoir le traitement des vestiges archéologiques pendant les interventions archéologiques, pendant leur transport et à long terme. La conservation des objets doit se faire selon les normes professionnelles actuelles. Article 10 - La gestion et l'entretien du siteUn programme de gestion du site doit être préparé, précisant les mesures de protection et de gestion "in situ" du patrimoine culturel subaquatique pendant et après les travaux sur le terrain. Le programme devrait comprendre les renseignements à l'intention du public, les dispositions raisonnables pour la stabilisation du site, et les mesures de surveillance et de protection contre les perturbations. On devrait promouvoir l'accès du public au patrimoine culturel subaquatique, sauf dans les cas où l'accès serait incompatible avec la protection et la gestion du site. Article 11 - Les mesures de santé et de sécuritéLa santé et la sécurité des équipes et des tierces parties procédant à des interventions archéologiques sont primordiales. Tous les membres d'une équipe procédant à des interventions archéologiques doivent travailler en respectant une politique de sécurité qui satisfasse aux exigences légales et professionnelles et qui soit décrite dans le programme. Article 12 - Les rapportsDes rapports intérimaires devraient être présentés conformément au calendrier proposé dans le programme. Ils devraient être déposés dans des dépôts d'archives reconnus et accessibles au public. Chaque rapport devrait comprendre :

  • un compte rendu des objectifs ; 
  • un compte rendu de la méthodologie et des techniques employées ; 
  • un compte rendu des résultats obtenus ;
  • des recommandations pour les interventions archéologiques futures, la gestion du site et la conservation des éléments du patrimoine culturel subaquatique retirés lors des interventions archéologiques.

Article 13 - L'archivageLes éléments du patrimoine culturel subaquatique retirés pendant les interventions archéologiques et toute la documentation pertinente doivent être déposés auprès d'une institution qui en donnera accès au public et les conservera de façon permanente. On devrait prendre, avant le début des interventions archéologiques, des dispositions quant au dépôt des archives; ces dispositions devraient être consignées dans le programme. Les archives devraient être conservées conformément aux normes professionnelles actuelles. L'intégrité scientifique des archives du projet doit être assurée; le dépôt dans des institutions différentes ne devrait pas empêcher qu'on puisse les réunir pour poursuivre les interventions archéologiques. Les objets du patrimoine culturel subaquatique ne doivent pas être dérangés comme des articles de valeur commerciale. Article 14 - La diffusionOn devrait sensibiliser le public aux résultats des interventions archéologiques et à l'importance du patrimoine culturel subaquatique par des présentations de vulgarisation faites dans divers médias. On ne devrait pas nuire à de telles présentations en imposant des droits d'accès élevésLa collaboration avec les communautés et les groupes locaux doit être encouragée, tout comme la collaboration avec les communautés et les groupes qui sont particulièrement liés au patrimoine culturel subaquatique en cause. Il est souhaitable que les interventions archéologiques se fassent avec le consentement et l'appui de ces communautés et de ces groupes. L'équipe conduisant des interventions archéologiques devra chercher à faire participer les communautés et les groupes intéressés dans la mesure où une telle participation est compatible avec les objectifs de protection et de gestion. Lorsque cela est possible, l'équipe conduisant les interventions archéologiques devrait offrir au public la possibilité d'acquérir et de développer certaines compétences archéologiques par la formation et l'éducation. La collaboration avec les musées et d'autres institutions devrait être encouragée. Avant les interventions archéologiques, on devrait se procurer tous les résultats des recherches antérieures et les rapports faits par les institutions collaboratrices. De plus, on devrait prendre des dispositions pour les visites du site. Un rapport final de synthèse sur les interventions archéologiques doit être présenté dès que possible, en tenant compte de la complexité de l'intervention archéologique, et déposé dans les dépôts d'archives publiques les plus concernées. Article 15 - La collaboration InternationaleLa collaboration internationale est essentielle pour la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique et devrait être favorisée de façon à maintenir des normes élevées dans les interventions archéologiques. La collaboration internationale devrait être encouragée pour mieux utiliser les archéologues et autres professionnels qui sont spécialisés dans les interventions archéologiques ayant pour objet le patrimoine culturel subaquatique. Des programmes d'échange de professionnels devraient être envisagés comme moyen de diffuser les meilleures pratiques.

Charte internationale pour la gestion du patrimoine archéologique

 

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Charte internationale pour la gestion du patrimoine archéologique (1990) 


Préparée par le Comité International pour la Gestion du Patrimoine Archéologique (ICAHM) et adoptée par la 9ème Assemblée Générale de l’ICOMOS à Lausanne en 1990 (Francia) 


INTRODUCTION

Il est unanimement reconnu que la connaissance des origines et du développement des sociétés humaines est d'une importance fondamentale pour l'humanité toute entière en lui permettant de reconnaître ses racines culturelles et sociales. 

Le patrimoine archéologique constitue le témoignage essentiel sur les activités humaines du passé. Sa protection et sa gestion attentive sont donc indispensables pour permettre aux archéologues et aux autres savants de l'étudier et de l'interpréter au nom des générations présentes et à venir, et pour leur bénéfice. 

La protection de ce patrimoine ne peut se fonder uniquement sur la mise en oeuvre des techniques de l'archéologie. Elle exige une base plus large de connaissances et de compétences professionnelles et scientifiques. Certains éléments du patrimoine archéologique font partie de structures architecturales, en ce cas, ils doivent être protégés dans le respect des critères concernant le patrimoine architectural énoncés en 1964 par la Charte de Venise sur la restauration et la conservation des monuments et des sites; d'autres font partie des traditions vivantes des populations autochtones dont la participation devient alors essentielle pour leur protection et leur conservation. 

Pour ces raisons et bien d'autres, la protection du patrimoine archéologique doit être fondée sur une collaboration effective entre des spécialistes de nombreuses disciplines différentes. Elle exige encore la coopération des services publics, des chercheurs, des entreprises privées et du grand public. En conséquence cette charte énonce des principes applicables dans différents secteurs de la gestion du patrimoine archéologique. Elle inclut les devoirs des pouvoirs publics et des législateurs, les règles professionnelles applicables à l'inventaire, à la prospection, à la fouille, à la documentation, à la recherche, à la maintenance, la conservation, la reconstitution, l'information, la présentation, la mise à disposition du public et l'affectation du patrimoine archéologique aussi bien que la définition des qualifications du personnel chargé de sa protection. 

Cette charte a été motivée par le succès de la Charte de Venise comme document normatif et comme source d'inspiration dans le domaine des politiques et des pratiques gouvernementales, scientifiques et professionnelles. 

Elle doit énoncer des principes fondamentaux et recommandations d'une portée globale. C'est pourquoi elle ne peut prendre en compte les difficultés et les virtualités propres à des régions ou à des pays. Pour répondre à ces besoins, la charte devrait par conséquent être complétée sur un plan régional et national par des principes et des règles supplémentaires. 

DÉFINITION ET INTRODUCTION

Article 1.

Le "patrimoine archéologique" est la partie de notre patrimoine matériel pour laquelle les méthodes de l'archéologie fournissent les connaissances de base. Il englobe toutes les traces de l'existence humaine et concerne les lieux où se sont exercées les activités humaines quelles qu'elles soient, les structures et les vestiges abandonnés de toutes sortes, en surface, en sous-sol ou sous les eaux, ainsi que le matériel qui leur est associé. 

POLITIQUES DE "CONSERVATION INTÉGRÉE"

Article 2.

Le patrimoine archéologique est une richesse culturelle fragile et non renouvelable. L'agriculture et les plans d'occupation des sols résultant de programmes d'aménagement doivent par conséquent être réglementés afin de réduire au minimum la destruction de ce patrimoine. Les politiques de protection du patrimoine archéologique doivent être systématiquement intégrées à celles qui concernent l'agriculture, l'occupation des sols et la planification, mais aussi la culture, l'environnement et l'éducation. La création de réseaux archéologiques doit faire partie de ces politiques. 

Les politiques de protection du patrimoine archéologique doivent être prises en compte par les planificateurs à l'échelon national, régional et local. 

La participation active de la population doit être intégrée aux politiques de conservation du patrimoine archéologique. Cette participation est essentielle chaque fois que le patrimoine d'une population autochtone est en cause. La participation doit être fondée sur l'accès aux connaissances, condition nécessaire à toute décision. L'information du public est donc un élément important de la "conservation intégrée". 

LÉGISLATION ET ÉCONOMIE

Article 3.

La protection du patrimoine archéologique est une obligation morale pour chaque être humain. Mais c'est aussi une responsabilité publique collective. Cette responsabilité doit se traduire par l'adoption d'une législation adéquate et par la garantie de fonds suffisants pour financer efficacement les programmes de conservation du patrimoine archéologique. 

Le patrimoine archéologique est un patrimoine commun pour toute société humaine; c'est donc un devoir pour tous les pays de faire en sorte que des fonds appropriés soient disponibles pour sa protection. 

La législation doit garantir la conservation du patrimoine archéologique en fonction des besoins de l'histoire et des traditions de chaque pays et de chaque région en faisant largement place à la conservation "in situ" et aux impératifs de la recherche. 

La législation doit se fonder sur l'idée que le patrimoine archéologique est l'héritage de l'humanité toute entière et de groupes humains, non celui de personnes individuelles ou de nations particulières. 

La législation doit interdire toute destruction, dégradation ou altération par modification de tout monument, de tout site archéologique ou de leur environnement en l'absence d'accord des services archéologiques compétents. 

La législation doit par principe exiger une recherche préalable et l'établissement d'une documentation archéologique complète dans chacun des cas où une destruction du patrimoine archéologique a pu être autorisée. 

La législation doit exiger une maintenance correcte et une conservation satisfaisante du patrimoine archéologique et en garantir les moyens. 

La législation doit prévoir des sanctions adéquates, proportionnelles aux infractions aux textes concernant le patrimoine archéologique. 

Au cas où la législation n'étendrait sa protection qu'au patrimoine classé ou inscrit sur un inventaire officiel, des dispositions devraient être prises en vue de la protection temporaire de monuments et de sites non protégés ou récemment découverts, jusqu'à ce qu'une évaluation archéologique ait été faite. 

L'un des risques physiques majeurs encourus par le patrimoine archéologique résulte des programmes d'aménagement. L'obligation pour les aménageurs de faire procéder à une étude d'impact archéologique avant de définir leur programmes doit donc être énoncée dans une législation adéquate stipulant que le coût de l'étude doit être intégré au budget du projet. Le principe selon lequel tout programme d'aménagement doit être conçu de façon à réduire au maximum les répercussions sur le patrimoine archéologique doit être également énoncé par une loi. 

INVENTAIRES

Article 4.

La protection du patrimoine archéologique doit se fonder sur la connaissance la plus complète possible de son existence, de son étendue et de sa nature. Les inventaires généraux du potentiel archéologique sont ainsi des instruments de travail essentiels pour élaborer des stratégies de protection du patrimoine archéologique. Par conséquent, l'inventaire doit être une obligation fondamentale dans la protection et la gestion du patrimoine archéologique. 

En même temps, les inventaires constituent une banque de données fournissant les sources primaires en vue de l'étude et de la recherche scientifique. L'établissement des inventaires doit donc être considéré comme un processus dynamique permanent. Il en résulte aussi que les inventaires doivent intégrer l'information à divers niveaux de précision et de fiabilité, puisque des connaissances même superficielles peuvent fournir un point de départ pour des mesures de protection. 

INTERVENTIONS SUR LE SITE

Article 5. 

En archéologie, la connaissance est largement tributaire de l'intervention scientifique sur le site. L'intervention sur le site embrasse toute la gamme des méthodes de recherche, de l'exploration non-destructrice à la fouille intégrale en passant par les sondages limités ou la collecte d'échantillons. 

Il faut admettre comme principe fondamental que toute collecte d'information sur le patrimoine archéologique ne doit détruire que le minimum des témoignages archéologiques nécessaires pour atteindre les buts, conservatoires ou scientifiques, de la campagne. Les méthodes d'intervention non destructives, observations aériennes, observations sur le terrain, observations subaquatiques, échantillonnage, prélèvements, sondages doivent être encouragées dans tous les cas, de préférence à la fouille intégrale. 

La fouille implique toujours un choix des données qui seront enregistrées et conservées au prix de la perte de toute information et, éventuellement, de la destruction totale du monument ou du site. La décision de procéder à une fouille ne doit donc être prise qu'après mûre réflexion. 

Les fouilles doivent être exécutées de préférence sur des sites et des monuments condamnés à la destruction en raison de programmes d'aménagement modifiant l'occupation ou l'affectation des sols, en raison du pillage, ou de la dégradation sous l'effet d'agents naturels. 

Dans des cas exceptionnels, des sites non menacés pourront être fouillés soit en fonction des priorités de la recherche, soit en vue d'une présentation au public. Dans ces cas, la fouille doit être précédée d'une évaluation scientifique poussée du potentiel du site. La fouille doit être partielle et réserver un secteur vierge en vue de recherches ultérieures. 

Lorsque la fouille a lieu, un rapport répondant à des normes bien définies doit être mis à la disposition de la communauté scientifique et annexé à l'inventaire approprié dans des délais raisonnables après la fin des travaux. 

Les fouilles doivent être exécutées en conformité avec les recommandations de l'UNESCO (recommandations définissants les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques, 1956), ainsi qu'avec les normes professionnelles, internationales et nationales. 

MAINTENANCE ET CONSERVATION

Article 6.

Conserver "in situ" monuments et sites devrait être l'objectif fondamental de la conservation du patrimoine archéologique. Toute translation viole le principe selon lequel le patrimoine doit être conservé dans son contexte original. Ce principe souligne la nécessité d'une maintenance, d'une conservation et d'une gestion convenables. Il en découle que le patrimoine archéologique ne doit être ni exposé aux risques et aux conséquences de la fouille, ni abandonné en l'état après la fouille si un financement permettant sa maintenance et sa conservation n'est pas préalablement garanti. 

L'engagement et la participation de la population locale doivent être encouragés en tant que moyen d'action pour la maintenance du patrimoine archéologique. Dans certains cas, il peut être conseillé de confier la responsabilité de la protection et de la gestion des monuments et des sites à des populations autochtones. 

Les ressources financières étant inévitablement limitées, la maintenance active ne pourra s'effectuer que de manière sélective. Elle devra donc s'exercer sur un échantillon étendu de sites et de monuments déterminé par des critères scientifiques de qualité et de représentativité, et pas seulement sur les monuments les plus prestigieux et les plus séduisants. 

La Recommandation de l'UNESCO de 1956 doit s'appliquer également à la maintenance et à la conservation du patrimoine archéologique. 

PRÉSENTATION, INFORMATION, RECONSTITUTION

Article 7. 

La présentation au grand public du patrimoine archéologique est un moyen essentiel de le faire accéder à la connaissance des origines et du développement des sociétés modernes. En même temps, c'est le moyen le plus important pour faire comprendre la nécessité de protéger ce patrimoine. 

La présentation au grand public doit constituer une vulgarisation de l'état des connaissances scientifiques et doit par conséquent être soumise à de fréquentes révisions. Elle doit prendre en compte les multiples approches permettant la compréhension du passé. 

Les reconstitutions répondent à deux fonctions importantes, étant conçues à des fins de recherche expérimentale et pédagogiques. Elles doivent néanmoins s'entourer de grandes précautions afin de ne perturber aucune des traces archéologiques subsistantes; elles doivent aussi prendre en compte des témoignages de toutes sortes afin d'atteindre à l'authenticité. Les reconstitutions ne doivent pas être construites sur les vestiges archéologiques eux-mêmes et doivent être identifiables comme telles. 

QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES

Article 8. 

Pour assurer la gestion du patrimoine archéologique, il est essentiel de maîtriser de nombreuses disciplines à un haut niveau scientifique. La formation d'un nombre suffisant de professionnels dans les secteurs de compétence concernés doit par conséquent être un objectif important de la politique d'éducation dans chaque pays. La nécessité de former des experts dans des secteurs hautement spécialisés exige, quant à elle, la coopération internationale. 

La formation archéologique universitaire doit prendre en compte dans ses programmes le changement intervenu dans les politiques de conservation, moins soucieuses de fouilles que de conservation "in situ". Elle devrait également tenir compte du fait que l'étude de l'histoire des populations indigènes est aussi importante que celle des monuments et des sites prestigieux pour conserver et comprendre le patrimoine archéologique. 

La protection du patrimoine archéologique est un processus dynamique permanent. Par conséquent, toutes facilités doivent être accordées aux professionnels travaillant dans ce secteur, afin de permettre leur recyclage. Des programmes spécialisés de formation de haut niveau faisant une large place à la protection et à la gestion du patrimoine archéologique devraient être mis en oeuvre. 

COOPÉRATION INTERNATIONALE

Article 9. 

Le patrimoine archéologique étant un héritage commun à l'humanité toute entière, la coopération internationale est essentielle pour énoncer et faire respecter les critères de gestion de ce patrimoine. 

Il existe un besoin pressant de circuits internationaux permettant l'échange des informations et le partage des expériences parmi les professionnels chargés de la gestion du patrimoine archéologique. Cela implique l'organisation de conférences, de séminaires, d'ateliers, etc. à l'échelon mondial aussi bien qu'à l'échelon régional, ainsi que la création de centres régionaux de formation de haut niveau. L'ICOMOS devrait, par l'intermédiaire de ses groupes spécialisés, tenir compte de cette situation dans ses projets à long et moyen termes. 

De même, des programmes internationaux d'échange de personnels administratifs et scientifiques devraient être poursuivis comme fournissant le moyen d'élever le niveau des compétences en ce domaine. 

Sous les auspices de l'ICOMOS, des programmes d'assistance technique devraient être développés.

Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques

 

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Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques 
(Charte de Washington - 1987


Adoptée par l'Assemblée Général de l'ICOMOS, à Washington D.C., octobre 1987

Préambules et définitions

Résultant d'un développement plus ou moins spontané ou d'un projet délibéré, toutes les villes du monde sont les expressions matérielles de la diversité des sociétés à travers l'histoire et sont de ce fait toutes historiques. 

La présente charte concerne plus précisément les villes grandes ou petites et les centres ou quartiers historiques, avec leur environnement naturel ou bâti, qui, outre leur qualité de document historique, expriment les valeurs propres aux civilisations urbaines traditionnelles. Or, celles-ci sont menacées de dégradation, de déstructuration voire de destruction, sous l'effet d'un mode d'urbanisation né à l'ère industrielle et qui atteint aujourd'hui universellement toutes les sociétés. 

Face à cette situation souvent dramatique qui provoque des pertes irréversibles de caractère culturel et social et même économique, le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) a estimé nécessaire de rédiger une "Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques". 

Complétant la "Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites" (Venise, 1964), ce nouveau texte définit les principes et les objectifs, les méthodes et les instruments de l'action propre à sauvegarder la qualité des villes historiques, à favoriser l'harmonie de la vie individuelle et sociale et à perpétuer l'ensemble des biens, même modestes, qui constituent la mémoire de l'humanité. 

Comme dans le texte de la Recommandation de l'UNESCO "concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine" (Varsovie-Nairobi, 1976), ainsi que dans différents autres instruments internationaux, on entend ici par "sauvegarde des villes historiques" les mesures nécessaires à leur protection, à leur conservation et à leur restauration ainsi qu'à leur développement cohérent et à leur adaptation harmonieuse à la vie contemporaine. 

Principes et objectifs

1. La sauvegarde des villes et quartiers historiques doit, pour être efficace, faire partie intégrante d'une politique cohérente de développement économique et social et être prise en compte dans les plans d'aménagement et d'urbanisme à tous les niveaux. 

2. Les valeurs à préserver sont le caractère historique de la ville et l'ensemble des éléments matériels et spirituels qui en exprime l'image, en particulier:


a) la forme urbaine définie par la trame et le parcellaire, 

b) les relations entre les divers espaces urbains: espaces bâtis, espaces libres, espaces plantés, 

c) la forme et l'aspect des édifices (intérieur et extérieur), tels qu'ils sont définis par leur structure, volume, style, échelle, matériaux, couleur et décoration, 

d) les relations de la ville avec son environnement naturel ou créé par l'homme, 

e) les vocations diverses de la ville acquises au cours de son histoire. 

Toute atteinte à ces valeurs compromettrait l'authenticité de la ville historique. 

3. La participation et l'implication des habitants de toute la ville sont indispensables au succès de la sauvegarde. Elles doivent donc être recherchées en toutes circonstances et favorisées par la nécessaire prise de conscience de toutes les générations. Il ne faut jamais oublier que la sauvegarde des villes et quartiers historiques concerne en premier leurs habitants. 

4. Les interventions sur un quartier ou une ville historique doivent être menées avec prudence, méthode et rigueur, en évitant tout dogmatisme, mais en tenant compte des problèmes spécifiques à chaque cas particulier. 

Méthodes et instruments

5. La planification de la sauvegarde des villes et quartiers historiques doit être précédée d'études pluridisciplinaires. Le plan de sauvegarde doit comprendre une analyse des données, notamment archéologiques, historiques, architecturales, techniques, sociologiques et économiques et doit définir les principales orientations et les modalités des actions à entreprendre au plan juridique, administratif et financier. Le plan de sauvegarde devra s'attacher à définir une articulation harmonieuse des quartiers historiques dans l'ensemble de la ville. Le plan de sauvegarde doit déterminer les bâtiments ou groupes de bâtiments à protéger particulièrement, à conserver dans certaines conditions et, dans des circonstances exceptionnelles à détruire. L'état des lieux avant toute intervention sera rigoureusement documenté. Le plan devrait bénéficier de l'adhésion des habitants. 

6. Dans l'attente de l'adoption d'un plan de sauvegarde les actions nécessaires à la conservation doivent être prises, comme bien entendu pour la suite, dans le respect des principes et méthodes de la présente Charte et de la Charte de Venise. 

7. La conservation des villes et des quartiers historiques implique un entretien permanent du bâti. 

8. Les fonctions nouvelles et les réseaux d'infrastructure exigés par la vie contemporaine doivent être adaptés aux spécificités des villes historiques. 

9. L'amélioration de l'habitat doit constituer un des objectifs fondamentaux de la sauvegarde. 

10. Au cas où il serait nécessaire d'effectuer des transformations d'immeubles ou d'en construire des nouveaux, toute adjonction devra respecter l'organisation spatiale existante, notamment son parcellaire et son échelle, ainsi que l'imposent la qualité et la valeur d'ensemble des constructions existantes. L'introduction d'éléments de caractère contemporain, sous réserve de ne pas nuire à l'harmonie de l'ensemble, peut contribuer à son enrichissement. 

11. Il importe de concourir à une meilleure connaissance du passé des villes historiques en favorisant les recherches de l'archéologie urbaine et la présentation appropriée de ses découvertes sans nuire à l'organisation générale du tissu urbain. 

12. La circulation des véhicules doit être strictement réglementée à l'intérieur des villes ou des quartiers historiques; les aires de stationnement devront être aménagées de manière à ne pas dégrader leur aspect ni celui de leur environnement. 

13. Les grands réseaux routiers, prévus dans le cadre de l'aménagement du territoire, ne doivent pas pénétrer dans les villes historiques mais seulement faciliter le trafic à l'approche de ces villes et en permettre un accès facile. 

14. Des mesures préventives contre les catastrophes naturelles et contre toutes les nuisances (notamment les pollutions et les vibrations) doivent être prises en faveur des villes historiques, tout aussi bien pour assurer la sauvegarde de leur patrimoine que la sécurité et le bien être de leurs habitants. Les moyens mis en oeuvre pour prévenir ou réparer les effets de toutes calamités doivent être adaptés au caractère spécifique des biens à sauvegarder. 

15. En vue d'assurer la participation et l'implication des habitants, une information générale commençant dès l'âge scolaire doit être mise en oeuvre. L'action des associations de sauvegarde doit être favorisée et des mesures financières de nature à faciliter la conservation et la restauration du bâti doivent être prises. 

16. La sauvegarde exige que soit organisée une formation spécialisée à l'intention de toutes les professions concernées. 

Charte des jardins historiques

 

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Charte des jardins historiques 
(Charte de Florence - 1982)

Adoptée par ICOMOS en décembre 1982


PREAMBULE

Réuni à Florence le 21 mai 1981, Le Comité international des Jardins historiques ICOMOS-IFLA a décidé d'élaborer une charte relative à la sauvegarde des jardins historiques qui portera le nom de cette ville. Cette charte a été rédigée par le Comité et enregistrée le 15 décembre 1982 par l'ICOMOS en vue de compléter la Charte de Venise dans ce domaine particulier. 

DEFINITIONS ET OBJECTIFS

Article 1.

"Un jardin historique est une composition architecturale et végétale qui, du point de vue de l'histoire ou de l'art, présente un intérêt public". Comme tel, il est considéré comme un monument. 

Article 2.

"Le jardin est une composition d'architecture dont le matériau est principalement végétal donc vivant, et comme tel périssable et renouvelable." 

Son aspect résulte ainsi d'un perpétuel équilibre entre le mouvement cyclique des saisons, du développement et du dépérissement de la nature, et la volonté d'art et d'artifice qui tend à en pérenniser l'état. 

Article 3.

En tant que monument le jardin historique doit être sauvegardé selon l'esprit de la Charte de Venise. Toutefois, en tant que monument vivant, sa sauvegarde relève de règles spécifiques qui font l'objet de la présente Charte. 

Article 4.

Relèvent de la composition architecturale du jardin historique: 

  • son plan et les différents profils de son terrain, 
  • ses masses végétales: leurs essences, leurs volumes, leur jeu de couleurs, leurs espacements, leurs hauteurs respectives, 
  • ses éléments construits ou décoratifs, 
  • les eaux mouvantes ou dormantes, reflet du ciel.
Article 5.

Expression des rapports étroits entre la civilisation et la nature, lieu de délectation, propre à la méditation ou à la rêverie, le jardin prend ainsi le sens cosmique d'une image idéalisée du monde, un "paradis" au sens étymologique du terme, mais qui porte témoignage d'une culture, d'un style, d'une époque, éventuellement de l'originalité d'un créateur. 

Article 6.

La dénomination de jardin historique s'applique aussi bien à des jardins modestes qu'aux parcs ordonnancés ou paysagers. 

Article 7.

Qu'il soit lié ou non à un édifice, dont il est alors le complément inséparable, le jardin historique ne peut être séparé de son propre environnement urbain ou rural, artificiel ou naturel. 

Article 8.

Un site historique est un paysage défini, évocateur d'un fait mémorable: lieu d'un événement historique majeur, origine d'un mythe illustre ou d'un combat épique, sujet d'un tableau célèbre, etc. 

Article 9.

La sauvegarde des jardins historiques exige qu'ils soient identifiés et inventoriés. Elle impose les interventions différenciées que sont l'entretien, la conservation, la restauration. On peut en recommander éventuellement la restitution. L'authenticité d'un jardin historique concerne tout aussi bien le dessin et le volume de ses parties que son décor ou le choix des végétaux ou des minéraux qui le constituent. 

ENTRETIEN, CONSERVATION, RESTAURATION, RESTITUTION

Article 10.

Toute opération d'entretien, de conservation, de restauration ou de restitution d'un jardin historique ou d'une de ses parties doit prendre en compte simultanément tous ses éléments. En séparer les traitements altérerait le lien qui les réunit. 

ENTRETIEN ET CONSERVATION

Article 11.

L'entretien des jardins historiques est une opération primordiale et nécessairement continue. Le matériau principal étant le végétal, c'est par des remplacements ponctuels et, à long terme, par des renouvellements cycliques (coupe à blanc et replantation de sujets déjà formés) que l'oeuvre sera maintenue en état. 

Article 12.

Le choix des espèces d'arbres, d'arbustes, de plantes, de fleurs à remplacer périodiquement doit s'effectuer en tenant compte des usages établis et reconnus pour les différentes zones botaniques et culturelles, dans une volonté de maintien et de recherche des espèces d'origine. 

Article 13.

Les éléments d'architecture, de sculpture, de décoration fixes ou mobiles qui font partie intégrante du jardin historique ne doivent être enlevés ou déplacés que dans la mesure où leur conservation ou leur restauration l'exige. Le remplacement ou la restauration d'éléments en danger doit se faire selon les principes de la Charte de Venise, et la date de toute substitution sera indiquée.

Article 14.

Le jardin historique doit être conservé dans un environnement approprié. Toute modification du milieu physique mettant en danger l'équilibre écologique doit être proscrite. Ces mesures concernent l'ensemble des infrastructures qu'elles soient internes ou externes (canalisations, systèmes d'irrigation, routes, parkings, clôtures, dispositifs de gardiennage, d'exploitation, etc.). 

RESTAURATION ET RESTITUTION

Article 15.

Toute restauration et à plus forte raison toute restitution d'un jardin historique ne sera entreprise qu'après une étude approfondie allant de la fouille à la collecte de tous les documents concernant le jardin concerné. En principe, elle ne saurait privilégier une époque aux dépens d'une autre sauf si la dégradation ou le dépérissement de certaines parties peuvent exceptionnellement être l'occasion d'une restitution fondée sur des vestiges ou une documentation irrécusable. Pourront être plus particulièrement l'objet d'une restitution éventuelle les parties du jardin les plus proches d'un édifice afin de faire ressortir leur cohérence. 

Article 16.

L'intervention de restauration doit respecter l'évolution du jardin concerné. En principe, elle ne saurait privilégier une époque aux dépens d'une autre sauf si la dégradation ou le dépérissement de certaines parties peuvent exceptionnellement être l'occasion d'une restitution fondée sur des vestiges ou une documentation irrécusable. Pourront être plus particulièrement l'objet d'une restitution éventuelle les parties du jardin les plus proches d'un édifice afin de faire ressortir leur cohérence. 

Article 17.

Lorsqu'un jardin a totalement disparu ou qu'on ne possède que des éléments conjecturaux de ses états successifs, on ne saurait alors entreprendre une restitution relevant de la notion de jardin historique. 

L'ouvrage qui s'inspirerait dans ce cas de formes traditionnelles sur l'emplacement d'un ancien jardin, ou là où aucun jardin n'aurait préalablement existé, relèverait alors des notions d'évocation ou de création, excluant toute qualification de jardin historique. 

UTILISATION

Article 18.

Si tout jardin historique est destiné à être vu et parcouru, il reste que son accès doit être modéré en fonction de son étendue et de sa fragilité de manière à préserver sa substance et son message culturel. 

Article 19.

Par nature et par vocation, le jardin historique est un lieu paisible favorisant le contact, le silence et l'écoute de la nature. Cette approche quotidienne doit contraster avec l'usage exceptionnel du jardin historique comme lieu de fête. 

Il convient de définir alors les conditions de visite des jardins historiques de telle sorte que la fête, accueillie exceptionnellement, puisse elle-même magnifier le spectacle du jardin et non le dénaturer ou le dégrader. 

Article 20.

Si, dans la vie quotidienne, les jardins peuvent s'accommoder de la pratique de jeux paisibles, il convient par contre de créer, parallèlement aux jardins historiques, des terrains appropriés aux jeux vifs et violents et aux sports, de telle sorte qu'il soit répondu à cette demande sociale sans qu'elle nuise à la conservation des jardins et des sites historiques. 

Article 21.

La pratique de l'entretien ou de la conservation, dont le temps est imposé par la saison, ou les courtes opérations qui concourent à en restituer l'authenticité doivent toujours avoir la priorité sur les servitudes de l'utilisation. L'organisation de toute visite d'un jardin historique doit être soumise à des règles de convenance propres à en maintenir l'esprit. 

Article 22.

Lorsqu'un jardin est clos de murs, on ne saurait l'en priver sans considérer toutes les conséquences préjudiciables à la modification de son ambiance et à sa sauvegarde qui pourraient en résulter. 

PROTECTION LÉGALE ET ADMINISTRATIVE

Article 23.

Il appartient aux autorités responsables de prendre, sur avis des experts compétents, les dispositions légales et administratives propres à identifier, inventorier et protéger les jardins historiques. Leur sauvegarde doit être intégrée aux plans d'occupation des sols, et dans les documents de planification et d'aménagement du territoire. Il appartient également aux autorités responsables de prendre, sur avis des experts compétents, les dispositions financières propres à favoriser l'entretien, la conservation, la restauration, éventuellement la restitution des jardins historiques. 

Article 24.

Le jardin historique est un des éléments du patrimoine dont la survie, en raison de sa nature, exige le plus de soins continus par des personnes qualifiées. Il convient donc qu'une pédagogie appropriée assure la formation de ces personnes, qu'il s'agisse des historiens, des architectes, des paysagistes, des jardiniers, des botanistes. 

On devra aussi veiller à assurer la production régulière des végétaux devant entrer dans la composition des jardins historiques. 

Article 25.

L'intérêt pour les jardins historiques devra être stimulé par toutes les actions propres à valoriser ce patrimoine et à le faire mieux connaître et apprécier: promotion de la recherche scientifique, échange international et diffusion de l'information, publication et vulgarisation, incitation à l'ouverture contrôlée des jardins au public, sensibilisation au respect de la nature et du patrimoine historique par les mass- média. Les plus éminents des jardins historiques seront proposés pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial. 

Nota Bene

Telles sont les recommandations appropriées à l'ensemble des jardins historiques du monde. 

Cette Charte sera ultérieurement susceptible de compléments spécifiques aux divers types de jardins liés à la description succincte de leur typologie.

Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites

 

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Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites 
(Charte de Venise - 1964)
 


IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964

Adoptée par ICOMOS en 1965.

Chargées d'un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L'humanité, qui prend chaque jour conscience de l'unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité. 

Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d'en assurer l'application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions. 

En donnant une première forme à ces principes fondamentaux, la Charte d'Athènes de 1931 a contribué au développement d'un vaste mouvement international, qui s'est notamment traduit dans des documents nationaux, dans l'activité de l'ICOM et de l'UNESCO, et dans la création par cette dernière du Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels. La sensibilité et l'esprit critique se sont portés sur des problèmes toujours plus complexes et plus nuancés ; aussi l'heure semble venue de réexaminer les principes de la Charte afin de les approfondir et d'en élargir la portée dans un nouveau document. 

En conséquence, le IIe Congrès International des Architectes et des Techniciens des Monuments Historiques, réuni, à Venise du 25 au 31 mai 1964, a approuvé le texte suivant : 

Définitions 

Article 1. 

La notion de monument historique comprend la création architecturale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d'une civilisation particulière, d'une évolution significative ou d'un événement historique. Elle s'étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle. 

Article 2. 

La conservation et la restauration des monuments constituent une discipline qui fait appel à toutes les sciences et à toutes les techniques qui peuvent contribuer à l'étude et à la sauvegarde du patrimoine monumental. 

Article 3. 

La conservation et la restauration des monuments visent à sauvegarder tout autant l'œuvre d'art que le témoin d'histoire. 

Conservation

Article 4.

La conservation des monuments impose d'abord la permanence de leur entretien. 

Article 5. 

La conservation des monuments est toujours favorisée par l'affectation de ceux-ci à une fonction utile à la société ; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l'ordonnance ou le décor des édifices. C'est dans ces limites qu'il faut concevoir et que l'on peut autoriser les aménagements exigés par l'évolution des usages et des coutumes. 

Article 6. 

La conservation d'un monument implique celle d'un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits. 

Article 7. 

Le monument est inséparable de l'histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe. En conséquence le déplacement de tout ou partie d'un monument ne peut être toléré que lorsque la sauvegarde du monument l'exige ou que des raisons d'un grand intérêt national ou international le justifient. 

Article 8. 

Les éléments de sculpture, de peinture ou de décoration qui font partie intégrante du monument ne peuvent en être séparés que lorsque cette mesure est la seule susceptible d'assurer leur conservation. 

Restauration

Article 9. 

La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s'arrête là où commence l'hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera toujours précédée et accompagnée d'une étude archéologique et historique du monument. 

Article 10. 

Lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d'un monument peut être assurée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l'efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et garantie par l'expérience. 

Article 11. 

Les apports valables de toutes les époques à l'édification d'un monument doivent être respectés, l'unité de style n'étant pas un but à atteindre au cours d'une restauration. Lorsqu'un édifice comporte plusieurs états superposés, le dégagement d'un état sous-jacent ne se justifie qu'exceptionnellement et à condition que les éléments enlevés ne présentent que peu d'intérêt, que la composition mise au jour constitue un témoignage de haute valeur historique, archéologique ou esthétique, et que son état de conservation soit jugé suffisant. Le jugement sur la valeur des éléments en question et la décision sur les éliminations à opérer ne peuvent dépendre du seul auteur du projet. 

Article 12. 

Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s'intégrer harmonieusement à l'ensemble, tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d'art et d'histoire. 

Article 13. 

Les adjonctions ne peuvent être tolérées que pour autant qu'elles respectent toutes les parties intéressantes de l'édifice, son cadre traditionnel, l'équilibre de sa composition et ses relations avec le milieu environnant. 

Sites monumentaux

Article 14. 

Les sites monumentaux doivent faire l'objet de soins spéciaux afin de sauvegarder leur intégrité et d'assurer leur assainissement, leur aménagement et leur mise en valeur. Les travaux de conservation et de restauration qui y sont exécutés doivent s'inspirer des principes énoncés aux articles précédents. 

Fouilles

Article 15. 

Les travaux de fouilles doivent s'exécuter conformément à des normes scientifiques et à la " Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques " adoptée par l'UNESCO en 1956. 

L'aménagement des ruines et les mesures nécessaires à la conservation et à la protection permanente des éléments architecturaux et des objets découverts seront assurés. En outre, toutes initiatives seront prises en vue de faciliter la compréhension du monument mis au jour sans jamais en dénaturer la signification. 

Tout travail de reconstruction devra cependant être exclu à priori, seule l'anastylose peut être envisagée, c'est-à-dire la recomposition des parties existantes mais démembrées. Les éléments d'intégration seront toujours reconnaissables et représenteront le minimum nécessaire pour assurer les conditions de conservation du monument et rétablir la continuité de ses formes. 

Documentation et publications 

Article 16. 

Les travaux de conservation, de restauration et de fouilles seront toujours accompagnés de la constitution d'une documentation précise sous forme de rapports analytiques et critiques illustrés de dessins et de photographies. Toutes les phases de travaux de dégagement, de consolidation, de recomposition et d'intégration, ainsi que les éléments techniques et formels identifiés au cours des travaux y seront consignés. Cette documentation sera déposée dans les archives d'un organisme public et mise à la disposition des chercheurs ; sa publication est recommandée. 

Ont participé à la commission pour la rédaction de la charte internationale pour la conservation et la restauration des monuments : 

- M. Piero Gazzola (Italie), président
- M. Raymond Lemaire (Belgique), rapporteur
- M. José Bassegoda-Nonell (Espagne)
- M. Luis Benavente (Portugal)
- M. Djurdje Boskovic (Yougoslavie)
- M. Hiroshi Daifuku (UNESCO)
- M. P.L. de Vrieze (Pays-Bas)
- M. Harald Langberg (Danemark)
- M. Mario Matteucci (Italie)
- M. Jean Merlet (France)
- M. Carlos Flores Marini (Mexique)
- M. Roberto Pane (Italie)
- M. S.C.J. Pavel (Tchécoslovaquie)
- M. Paul Philippot (ICCROM)
- M. Victor Pimentel (Pérou)
- M. Harold Plenderleith (ICCROM)
- M. Deoclecio Redig de Campos (Vatican)
- M. Jean Sonnier (France)
- M. François Sorlin (France)
- M. Eustathios Stikas (Grèce)
- Mme Gertrud Tripp (Autriche)
- M. Jan Zachwatovicz (Pologne)
- M. Mustafa S. Zbiss (Tunisie) 

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