Déclaration d’Abou Dhabi sur le patrimoine des pays en guerre
L'ICOMOS, représenté par sa directrice générale Marie-Laure Lavenir et par Samir Abdulac, Président du Groupe de travail de l’ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Syrie et en Iraq (et dans les pays voisins), a participé à la Conférence internationale d'Abou Dhabi (2-3 décembre 2016). Au terme de la conférence, consacrée à la sauvegarde du patrimoine en péril dans les zones de conflits armés, fut adoptée la Déclaration d'Abou Dhabi.
Texte de la déclaration, adopté par les représentants d’une quarantaine d’États, d'organisations internationales, dont l'UNESCO, et d’institutions privées :
« Miroir de notre humanité, gardien de notre mémoire collective et témoin de l’extraordinaire esprit de création de l’humanité, le patrimoine culturel mondial porte en lui notre avenir commun.
Aujourd’hui, les conflits armés et le terrorisme qui sévissent sur tous les continents touchent des millions d’hommes et de femmes sans épargner leur patrimoine plurimillénaire. Les extrémistes portent violemment et parfois délibérément atteinte aux cultures des pays et des peuples qu’ils dévastent, cherchant à détruire le patrimoine culturel, bien commun de l’humanité.
Menacer, attaquer, détruire et piller le patrimoine, revient à s’en prendre aux fondements même de l’identité des peuples, de l’histoire dans laquelle ils s’inscrivent et des repères sur lesquels ils se construisent. Sans ce patrimoine, c’est l’identité entière d’un peuple qui disparaît, sa mémoire qui s’efface et son avenir qui se trouve compromis.
Le patrimoine, dans sa diversité, est une source de richesse collective et incite au dialogue. Il constitue un facteur de rapprochement, de tolérance, de liberté et de respect. Sa destruction représente une menace pour la paix, tout comme le trafic illicite de biens culturels dont le développement est souvent le corollaire des temps de crises.
En conséquence, nous, chefs d’État, de gouvernement, et leurs représentants, organisations internationales et institutions privées, sommes réunis à Abou Dhabi, Émirats Arabes Unis, pour réaffirmer notre volonté commune de sauvegarder le patrimoine culturel en danger de tous les peuples, contre sa destruction et son trafic illicite. Nous avons décidé d’unir nos efforts.
Nous nous félicitons de l’appel lancé par le Directeur général de l’UNESCO et nous exprimons notre soutien à la coalition mondiale « Unis pour le patrimoine » qui a été lancée pour protéger notre patrimoine commun des destructions et des trafics. Nous accueillons favorablement la Stratégie de renforcement de l’action de l’UNESCO pour la protection de la culture et la promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé.
Nous devons veiller au respect des valeurs universelles qui, depuis les Conventions internationales successives de La Haye de 1899, 1907 et 1954 et de ses protocoles de 1954 et 1999, nous imposent de protéger les vies humaines ainsi que les biens culturels en période de conflit arme. Ce processus doit être conduit en étroite liaison avec l’UNESCO, qui œuvre inlassablement depuis 1945 à la préservation du patrimoine, à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels et à la promotion de la culture comme instrument de rapprochement et de dialogue entre les peuples.
Aussi, dans un esprit d’universalité et dans le cadre des principes des conventions de l’UNESCO, nous nous engageons à poursuivre deux objectifs ambitieux et pérennes, pour garantir la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la sauvegarde du patrimoine :
La constitution d’un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, qui permettrait de financer des actions préventives ou d’urgence, de lutter contre le trafic illicite de biens culturels ainsi que de participer à la restauration de biens culturels endommagés.
La création d’un réseau international de refuges pour sauvegarder de manière temporaire les biens culturels mis en péril par les conflits armés ou le terrorisme sur leur territoire, ou, s’ils ne peuvent être en sécurité au niveau national, dans un pays limitrophe, ou en dernier ressort dans un autre pays, en accord avec les lois internationales à la demande des gouvernements concernés, et prenant en compte les caractéristiques nationales et régionales et le contexte des biens culturels à protéger.
À l’occasion de cette conférence, nous, chefs d’État et de gouvernement et leurs représentants, organisations internationales et institutions privées, unissons nos efforts en faveur du patrimoine en appuyant l’action internationale destinée à sauvegarder le patrimoine culturel menacé par les conflits armés ou le terrorisme. Une conférence de suivi, organisée en 2017, permettra notamment d’évaluer la mise en œuvre des initiatives lancées à Abou Dhabi et des premiers projets financés par le fonds international.
Nous reconnaissons le rôle éminent des Nations Unies et des institutions qui en relèvent, en particulier l’UNESCO, qui est la seule institution des Nations Unies ayant pour mandat de protéger la culture. Nous appelons le Conseil de Sécurité des Nations unies pour solliciter son appui à la réalisation de nos objectifs, en plein accord avec la Charte des Nations Unies. »
Photo : Palmyre © Goldring, Nancy / ICOMOS