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La Rivière à la Dérive
Le relief constitue l'expression fondamentale de la personnalité géographique d'un pays. Pour les pays de montagne, tels l'Andorre, ceci est peut-être encore plus accentué. En fait, ce petit pays des Pyrénées a été connu pendant longtemps sous le nom de "Les Vallées d'Andorre", dénomination mettant en relief le trait le plus déterminant et caractéristique. Au fond de ces vallées, la rivière était le fil argenté conducteur de la vie, à la fois qu'un paysage culturel riche, dense et dynamique.
Le réseau hydrographique de l'Andorre s'articule, de manière très schématique, autour de deux grands collecteurs - le Valira d'Orient et le Valira du Nord - qui s'unissent au niveau de la conurbation d'Andorre la vieille / Les Escaldes-Engordany, et qui coulent alors sous le nom du Grand Valira jusqu'en Catalogne, en Espagne.
L'extraordinaire croissance de l'Andorre, au cours des cinq dernières décennies, a suscité une demande colossale de sol urbain. C'est surtout dans les cuvettes des fonds des vallées, sur les rives des cours d'eau, que le sol le plus facile à bâtir - jadis à cultiver - a été trouvé. L'appât de profits substantiels et immédiats à partir de la spéculation immobilière et l'absence d'une Loi générale d'aménagement et d'occupation des sols (approuvée il y a seulement deux ans!), ont constitué un cadre idéal pour laminer régulièrement les valeurs collectives du territoire.
C'est ainsi que les grands axes hydrologiques andorrans, sont passés du paysage culturel riche en qualités socioenvironementales et biologiques, à celui de canal a ciel ouvert bétonné et stérile. Si la maîtrise des crues, dans une toute nouvelle et intensive occupation du territoire, pourrait, apparemment, justifier une adaptation des méthodes traditionnelles (en particulier basées sur différents types de végétation), il n'est pas moins vrai que c'est surtout l'appétit et la voracité du foncier et de l'immobilier qui ont exercé leur pression et leur pouvoir sur chaque centimètre carré du territoire. C'est ainsi que les rivières, confinées et canalisées, voient leur espace minimum vital envahi, et leur vie anéantie, tout en étant mises conforme aux normes selon les gabarits de l'hydraulique les plus aveugles et insensibles et, comme le démontre malheureusement l'expérience, parfois même inefficaces.
Un élément essentiel de la géographie, du paysage et de la culture de l'Andorre a été gravement meurtri au long de nombreux kilomètres du territoire andorran et ceci de façon pratiquement irréversible. S'il est vrai que quelques interventions heureuses, sur des cours d'eau secondaires, arrivent à montrer d'autres voies que le bétonnage systématique des rivières, il est surtout vrai que les critères sur la canalisation continuent d'être perçus comme pertinents par le ministère compétent, que toutes les conséquences graves et négatives qui dérivent de cette pratique continuent sans troubler guère l'esprit des décideurs et que, à ce jour, le confinement du fil argenté de la vie de nos vallées continue.
ICOMOS Andorra
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