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La restauration de la cathédrale Notre-Dame de Tournai
Édifice majeur du patrimoine architectural belge, la cathédrale Notre-Dame de Tournai présentait depuis un certain nombre d'années des désordres structurels très inquiétants. Après une période de réflexion et de discussion au cours de laquelle des premières mesures de sécurité ont été prises, un appel d'offres européen a été lancé pour désigner un auteur de projet capable de coordonner et de faire la synthèse des travaux d'une équipe pluridisciplinaire qualifiée.
À l'issue de cet appel d'offres, une sélection sévère a abouti, fin de l'année 2001, à la désignation de l'équipe de l'architecte français Vincent Brunelle pour la restauration de la cathédrale de Tournai. Après quelques mois, Vincent Brunelle a présenté sa première vision des choses le 25 avril 2002 devant le comité d'accompagnement du certificat de patrimoine de la cathédrale, et a refait le 13 mai suivant cette présentation pour les experts de l'ISCARSAH, le comité scientifique international de l'ICOMOS pour l'analyse des structures.
Le texte qui suit est une synthèse de ces propos.
Un édifice complexe
Un premier regard jeté sur la cathédrale permet de se rendre compte de la multitude de problématiques qui l'affectent. La qualité de son architecture et de ses décors, la richesse des œuvres d'art qu'elle abrite provoquent l'admiration ; son état de conservation, ses problèmes de stabilité suscitent des inquiétudes. Propriété de la Province de Hainaut bâtie sur le sol municipal, affectée au Chapitre, elle émarge à différentes autorités, ce qui rend complexe toute décision prise à son sujet. Ancrée dans le paysage de la ville depuis plusieurs siècles, elle a toujours été le centre de sa vie spirituelle, religieuse et, en grande partie aussi sociale. Et sa fermeture au public depuis plusieurs mois rend d'autant plus urgente et impérative la nécessité de remédier à ses problèmes de conservation.
Un monument exceptionnel
La cathédrale de Tournai est sans nul doute l'un des plus importants monuments de la Belgique. Cet exemple rare d'église romano - gothique à cinq tours à la croisée du transept a été inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'UNESCO.
Héritière des grands chantiers médiévaux, la cathédrale de Tournai présente la particularité rare d'unité de fonction et de lieu depuis ses origines qui remontent au Vème siècle. Des œuvres d'art conçues spécialement pour la cathédrale par les plus grands artistes, tels Rubens, Jordaens, de Vos, y sont encore conservées. Malgré les tourmentes de l'histoire, les archives de la Fabrique sont parvenues presque intactes jusqu'à nos jours. Le trésor de la Fabrique abrite une fabuleuse collection. Les récentes campagnes de fouilles archéologiques ont mis au jour l'existence de vestiges des structures antérieures à la cathédrale actuelle.
Un monument menaçant et menacé
L'équilibre statique de l'église se trouve aujourd'hui menacé. Les archives ainsi qu'une attentive lecture des murs apportent la preuve, qu'au cours des siècles, ses architectes ont souvent été confrontés aux problèmes de stabilité. Cependant, certains d'entre eux ont pris ces derniers temps un caractère réellement inquiétant Si les voûtes et le système de contrebutement du chœur ont fait l'objet d'une consolidation provisoire, l'explication de l'origine des désordres, indispensable à la formulation de la solution définitive laisse encore apparaître de nombreux doutes. Le dévers de la tour Brunin a atteint le degré critique pour un risque d'écroulement.
Un monument aliéné de son contexte urbain et social
La fermeture au public prolongée de la cathédrale a produit des effets néfastes sur la ville et ses habitants voire même sur son économie. La menace de la chute de la tour Brunin est très mal vécue par les habitants du quartier et se fait ressentir par une chute de chiffre d'affaires lié à une très nette diminution du flux touristique et de locations d'appartements situés dans le périmètre de la tour. Le chantier lui-même est subi par les habitants. Un manque d'information relatif contribue à un phénomène d'incompréhension, d'une part, des pathologies affectant la cathédrale et, d'autre part, des interventions de diverses natures qu'ils voient se succéder. Outre les clôtures du chantier, une barrière invisible est en train de grandir entre ce qui fut à une époque le cœur de la ville et les citadins.
Un riche contexte archéologique
Si les archives, malgré l'important travail qui reste encore à effectuer, nous renseignent assez bien sur l'histoire de la cathédrale actuelle, l'histoire des édifices qui l'ont précédé est relativement mal connue. Un grand espoir accompagne l'importante campagne des fouilles archéologiques, qui s'est d'ores et déjà révélée très prometteuse.
Les fouilles archéologiques contribuent également de façon très importante à la compréhension de certains phénomènes pathologiques affectant la stabilité notamment de la tour Brunin. Elles ont notamment prouvé que le parti initial ne prévoyait pas de tours de cette importance à leur emplacement actuel ce qui explique en partie la faiblesse de leurs fondations.
Problèmes de conservation
Problèmes affectant l'équilibre statique de l'édifice
Le chœur de la cathédrale pâtit de nombreux problèmes qui se manifestent principalement sous la forme d'importantes déformations des voûtes, des arcs-boutants, d'importants déversements de piliers qui trahissent un mouvement généralisé vers le Sud-Est. Le chœur est actuellement stabilisé de façon provisoire
La tour Brunin présente un dévers de l'ordre de 80 cm. S'en suivent de très importantes fissures dans le pignon du transept Nord ainsi qu'une déformation de l'arc doubleau portant la voûte à qui la tour sert de contrebutement Des sondages archéologiques ont mis en évidence une très importante fissure dans le massif des fondations
Afin de comprendre la nature et l'origine des pathologies, une campagne de reconnaissances de diverses natures a été lancée. Outre les relevés très précis déterminant les valeurs et des directions des déplacements, une série de carottages a été réalisée afin de reconnaître la nature du sous-sol. Ces carottages ont mis en évidence notamment la présence d'un promontoire rocheux constitué de bon calcaire traversant l'édifice du Nord-Est au Sud-Ouest ainsi qu'un très important dénivelé de ce socle calcaire dans la zone de la tour Brunin. Parallèlement une série de calculs avec la méthode des éléments finis a été réalisée. En attendant la consolidation définitive la tour sera provisoirement mise en sécurité avec des tirants métalliques l'assujettissant aux deux tours voisines.
Problèmes liés à la mise en valeur du monument
Il est impossible aujourd'hui de penser la restauration d'un édifice tel que la cathédrale de Tournai sans prendre en considération son contexte général. Faisant partie intégrante du paysage urbain, la cathédrale doit être approchée comme l'élément d'un ensemble et non seulement comme un élément en soi. Aussi, la réflexion sur la restauration et la mise en valeur de la cathédrale ne doit en aucun cas se faire sans réflexion plus générale sur ses abords, sur son fonctionnement à court, moyen et long terme. La cathédrale n'est pas seulement un monument en pierre ; elle est fruit de la pensée humaine mue par un élan spirituel profond.
Un défi relevé
L'extrême complexité de la problématique fait que la restauration de la cathédrale de Tournai apparaît comme un véritable défi. Ce défi a été relevé lorsqu'à la fin de l'année dernière, le Comité d'Accompagnement de la Restauration de la Cathédrale de Tournai, composé de représentants de l'administration de la Région Wallonne, de la Province de Hainaut, de la Ville de Tournai et d'experts Belges et internationaux en différents domaines a, par voie de concours, désigné l'équipe dirigée par M. Vincent Brunelle, comme auteur de projet de restauration.
Le travail mené depuis le début de l'année a abouti à la définition des urgences et à la formulation des études complémentaires nécessaires à l'élaboration du projet de restauration. Les urgences consistant en arrêt de tout processus de dégradation, la suppression de la menace liée à la pathologie de la tour Brunin, l'ouverture partielle de l'édifice au public, l'association des Tournaisiens au chantier de la restauration de la cathédrale, la mise en valeur des fouilles et du chantier lui même devraient être réalisées durant les mois prochains.
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