Le danger de l'absence d'un véritable cadre législatif et administratif
ICOMOS Cameroun se préoccupe depuis quelques années de l'absence de stratégie claire de la part du gouvernement camerounais en matière de conservation de son patrimoine culturel.
En 2001, ICOMOS - Cameroun avait déjà relevé la nécessité de formation du personnel de la Direction du patrimoine, afin que soit réalisé un inventaire complet du patrimoine culturel et naturel de notre pays. Il n'est donc plus ici nécessaire de le rappeler dans cette communication. Il n'est pas non plus utile de signaler une fois encore que notre pays possède un panel de sites très variés, qui vont pour les sites culturels, des architectures aux paysages culturels, et pour les sites naturels, des formations géologiques aux réserves forestières.
Cette année, nous souhaitons attirer l'attention de la communauté internationale sur un grand manque, qui à terme, pourrait conduire à la disparition du riche patrimoine dont regorge le Cameroun : l'absence d'un cadre législatif, administratif et institutionnel de protection du patrimoine culturel immobilier camerounais.
Les mécanismes de législation, qui sont des outils d'une extrême importance, n'ont toujours pas été mis en place pour soutenir l'action de la toute nouvelle Direction du Patrimoine dont la mission est de valoriser et de conserver le riche patrimoine camerounais. Aussi surprenant que cela pourrait paraître, mis à part le décret de création de la Direction du Patrimoine, il n'existe pas encore de lois qui définissent le cadre législatif dans lequel doit s'inscrire la protection du patrimoine culturel. Et encore moins de décret d'application de celle-ci. Ceci a pour conséquences immédiates, l'absence de dispositions spécifiques qui définissent les types de patrimoines culturels à conserver, et l'éparpillement des responsabilités administratives entre les Ministères de la Culture, de l'Habitat et l'Urbanisme, de la Ville, du Tourisme, de l'Environnement et des Forêts, et de l'Aménagement du Territoire.
Depuis 1982, le Cameroun a ratifié la Convention du patrimoine mondial pour la protection des biens culturels et naturels. Même si cet instrument légal international engage le pays à assurer "l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel", rien sur le terrain ne démontre de la volonté nationale de créer de véritables conditions pour empêcher la dégradation, voire même la disparition des principaux biens culturels et naturels du Cameroun.
Deux biens culturels aujourd'hui menacés
Obus des Mousgoums du Cameroun
La case des Mousgoums est célèbre depuis le XIXème siècle. Sa monumentalité et ses formes courbes et élancées étonnaient déjà tous les voyageurs qui s'arrêtaient dans leurs villages. Les explorateurs Heinrich Barth en 1852, Schweinfurt en 1868, ou Nachtigal en 1872, dans leurs écrits, y font allusion sous le qualificatif de hutshells, qui fut traduit plus tard par les colons français en "cases obus". Malheureusement, cette magnifique culture architecturale est en train de disparaître. Les rares cases obus encore debout, dont certaines en ruines, que l'on peut encore admirer, sont localisables dans le Canton de Pouss, plus précisément dans les villages de Mourla et de Gaya, et dans la ville de Maga.
Si aucune disposition n'est prise institutionnellement et administrativement par l'Etat camerounais, la communauté internationale, ne pourra même s'intéresser à la sauvegarde du savoi-faire de réalisation de cette architecture.
Le Palais de Bafut
Rare témoignage de la puissance des Fons de Bafut, le palais dont l'architecture était en bois et lianes, fut détruit à la suite de la guerre avec les colons allemands à la fin du 19ème siècle. Le palais fut reconstruit par les colons allemands après la signature d'un traité de paix avec les chefs traditionnels locaux. Du palais d'origine, subsiste encore un seul bâtiment qui abrite aujourd'hui les esprits des ancêtres Fons, alors que les bâtiments d'habitation du palais sont en briques cuites et recouverts de tuiles. La famille royale essaye tant bien que mal aujourd'hui d'entretenir ce vestige qui, si rien n'est fait au niveau gouvernemental pour le classer, finira complètement détruit.
Haman Mohaman & Lazare Eloundou
ICOMOS Cameroon