H@R! : Heritage at Risk / Patrimoine en Péril
FRANCE
Plusieurs niveaux de recensement coexistent :
- Les édifices recensés au titre de l'Inventaire des Richesses Artistiques de la France : Il s'agit essentiellement des édifices ruraux et petits bâtiments urbains dont l'ancienneté s'échelonne du moyen-âge jusqu'au XIXème siècle et dont l'authenticité est très largement conservée.
- Les édifices protégés au titre des ensembles urbains (secteurs sauvegardés, Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysagers) et dont la conservation est reconnue comme souhaitable ou obligatoire.
- Les édifices situés dans le champ de visibilité d'un Monument Historique protégé.
- Les Monuments Historiques classés, ou inscrits à l'Inventaire Supplémentaire, à titre individuel et spécifique.
Dans les trois dernières catégories, un ensemble de textes réglementaires et juridiques assure les conditions de la conservation sous la surveillance du Service des Monuments Historiques. Les édifices de la première catégorie quant à eux ne sont protégés par aucune mesure, et sont donc exposés à la disparition.
Cet arsenal tente d'assurer la conservation du Patrimoine. Mais celle-ci dépend essentiellement des propriétaires, en majorité les collectivités locales (63%), les propriétaires privés (28%), et très minoritairement l'Etat (6%).
La négligence - pas toujours bienveillante - est un facteur majeur parmi les causes de la déshérence du Patrimoine.
Mais on ne manquera pas de citer la maladresse de nombreux programmes d'aménagements publics qui entraînent la destruction - parfois inconsciente - des édifices ou ensembles anciens : l'urbanisation est un acteur particulièrement virulent.
On ne négligera non plus les facteurs naturels, dont la tempête du 26 décembre 1999 est un exemple, hélas renouvelé, et qui a provoqué des désastres irréparables dans les parcs et jardins; Pour mémoire, on évoquera enfin les problèmes liés à la pollution, et qui entraînent la destruction des matériaux.
La rareté de la main d'œuvre qualifiée, la rareté des matériaux identiques, ou seulement appropriés; la recherche de performance qualitative dans les interventions, où la chimie et les méthodes de pointe côtoient les modes traditionnels - à faire renaître - entraînent des coûts souvent dissuasifs, auxquels les acteurs de la conservation ne peuvent plus faire face.
En réponse, la Collectivité Publique (État, collectivités locales) tente des interventions qui se font sous forme incitative:
- d'assistance financière (subvention, dégrèvements fiscaux ...) jusqu'à des taux très élevés
- d'assistance technique (conduite d'opération, architectes spécialisés, laboratoires, entreprises)
- d'interventions autoritaires (travaux d'office)
- l'acquisition de l'édifice par une collectivité est une formule rarissime en France.
Les dispositions élaborées et mises en œuvre donnent globalement un résultat positif, et on peut dire que l'ensemble du Patrimoine de la France est en moyenne dans un état de conservation passable.
Néanmoins, des inquiétudes très sérieuses se manifestent sur les sujets suivants :
- Le patrimoine vernaculaire est frappé de plein fouet par la persistance de l'exode urbain et le vieillissement des populations des bourgs et petites villes rurales. Le danger à très court terme (une ou deux générations) sera la ruine du Patrimoine liée à la désertification. La création de parcs naturels régionaux n'est pas une réponse à l'échelle du phénomène.
- Le patrimoine militaire souffre du gigantisme de sa configuration : courtines, remparts, aménagements terrassés, dont les dimensions considérables ont été jusqu'ici tant bien que mal entretenues, mais que la réduction des effectifs militaires condamnera irrémédiablement.
- Le Patrimoine du XXème siècle, trop proche dans le temps, trop mal compris, et construit avec des matériaux mal maîtrisés (béton armé, métaux, matériaux de synthèse, etc.), ne bénéficie pas encore d'un régime de conservation reconnu et établi avec certitude.
- Les altérations des matériaux naturels - en particulier la pierre - qui se développent et s'accélèrent de façon aggravée, vont bientôt nous obliger à reconsidérer en totalité les conceptions de restauration et de conservation, dès lors que le seuil du possible sera dépassé.
- Paradoxalement, on assiste simultanément à des phénomènes imprévisibles et inattendus où le patrimoine est victime de son succès; la fréquentation croissante par le public des principaux fleurons de l'histoire de l'architecture, entraîne de lourdes dégradations qui portent atteinte à l'authenticité des ouvrages qui les constituent, et portent en puissance les risques de pertes irréparables.
Il faut souligner l'importance du développement des facteurs de société, qui s'expriment selon les paramètres suivants :
- L'absence de capacité et de compétence de la majorité des intervenants : des maîtres d'ouvrages (en majorité les propriétaires) qui ne sont pas sensibilisés aux difficultés de la conservation; des opérateurs, la plupart du temps non architectes; des maîtres d'œuvres qui, malgré une école de spécialisations et des corps d'architectes très compétents sont, dans leur grande majorité non formés aux techniques de restauration; un encadrement technique non spécialisé.
- La normalisation qui applique au Patrimoine ancien, les règles conçues pour la construction neuve, tant en matière de sécurité du travail, de sécurité du public, de l'emploi des matériaux traditionnels, qu'en matière d'habitabilité.
- L'application systématique des règles de concurrence, qui écrête les savoir faire exceptionnels, et banalise les niveaux de compétence.
Les directions suivantes seraient à investir:
- Reconnaissance pour le Patrimoine du statut d'Intérêt Public, justifiant une action encore plus énergique et efficace de la collectivité publique en faveur de sa conservation (moyens financiers / moyens techniques).
- Mise en œuvre de lois programmes budgétaires pour des typologies de patrimoines en péril.
- Reconnaissance du statut d'Exception Culturelle, dérogatoire aux règles et normes courantes du bâtiment neuf.
- Action pédagogique à entreprendre en faveur du "savoir comprendre le Patrimoine", au delà du simple "savoir regarder" et de son approche superficielle. Il y a une pédagogie - et une stratégie - de la réhabilitation des terroirs et des cultures locales à promouvoir, véritable réapropriation culturelle en réponse à la déshérence sociale.
- Lancement de programmes d'études et de recherches (laboratoires, architectes, ingénieurs), très fortement soutenus par la collectivité, et consacrés prioritairement à la conservation des matériaux.
- Obligation de compétences pour les maîtrises d'ouvrages et les maîtres d'œuvres. Formules de substitution.
ICOMOS France